Pourquoi faire tout ça pour ça?
J’ai recommencé à me réveiller la nuit, en pensant à tout ce que l’on a à faire pour se rendre au jour du départ en juillet 2022. Je ne suis pas très bien dans ces moments d’éveil. Je savoure alors pleinement mon lit si confortable, ma maison si rassurante. Et je me dis, mais pourquoi? Pourquoi vouloir partir un an, une seconde fois. Pourquoi ne pas partir seulement 2 mois durant les vacances scolaires.? Tout serait tellement beaucoup plus simple...
Et dans ma tête, j’ai cette question qui tourne en boucle
dans ma tête : pourquoi faire tout ça pour ça?
Un jour, alors que nous donnions un cours-atelier avec La société de sauvetage sur tout ce qui à la planification pour partir un an en famille, un
homme, les bras croisés, pensif, m’a lancé : "Mais pourquoi faire tout ça
pour ça?"
En entendant ces mots, mais jambes ont plié d’elles-mêmes.
Je me suis assise en respirant profondément. Cette question, je me l’étais
souvent posée. En préparant cet atelier pour les familles, j’avais trouvé ça
étourdissant, effectivement, tout ce qu’il y avait à faire pour réussir à
partir pour un voyage au long cours avec des enfants.
« Tout ça », c’était en fait : la préparation
en lien avec le voyage en tant que tel, mais aussi la planification de la
scolarisation, la réflexion par rapport aux médicaments à avoir avec soi (pour
un voyage sur l’eau, l’accès à des soins peut être des plus complexes) et les
démarches à faire avec un médecin en ce sens, la location de la maison, les
assurances santés, les assurances pour la maison, le bateau/ou autre, tralala,
la préparation mentale des parents, mais aussi des enfants, et bien d’autres
détails ici et là. D’ailleurs, lors de notre retour de notre année en voilier,
je m’étais dit qu’on ne pourrait jamais repartir avec nos filles, car préparer un
tel voyage prenait beaucoup trop d’énergie.
Et le « pour ça » : c’était, bien sûr, le
grand voyage, avec tout ce qui a de merveilleux, et ses nombreux défis, mais c’était
aussi les difficultés du retour. L’adaptation du retour se fait différemment pour
tous, avec des enfants, ça rend le tout encore plus complexe.
En fait, sa pensée se résumait à Pourquoi se donner autant
de trouble, pour avoir ensuite de la difficulté à se réadapter à la société?
Pourquoi ne pas simplement partir durant une plus courte période pour ne pas se
déraciner trop en profondeur?
Je lui avais alors répondu qu’il n’y avait aucune logique
dans ce processus. Mais qu’il s’agissait d’un appel, bien plus grand que soi.
L’appel du voyage, l’appel de la vie en famille dans une bulle tissée serrée,
mais qui n’est pas à l’abri des tempêtes. L’appel du déracinement profond,
malgré les difficultés qui peuvent s’en suivre.
Voilà pourquoi certaines familles qui partaient avec
uniquement l’image bucolique des voyages en famille sur les réseaux sociaux
frappaient parfois un mur... Car le quotidien n’est pas fait uniquement d’images instagrammables. Et le retour est rarement raconté.
Cet homme m’avait ensuite dit qu’il était probablement
préférable d’organiser sa vie afin de pouvoir être toujours un peu en voyage,
et toujours un peu ici. C’est d’ailleurs ce que lui et sa famille font
actuellement. Lorsque les emplois du couple et l’âge des enfants le permettent,
c’est effectivement, probablement le scénario idéal. Mais, je serais curieuse
de lui reparler aujourd’hui. J’ai vu des photos de lui à la barre de son
catamaran, avec un sourire de bonheur profond. Peut-être qu’aujourd’hui, « le
tout ça pour ça, sonnerait différemment. »
Car dans le « tout ça pour ça », il est vrai qu’il
s’agit en fait d’un simple voyage, voyage que l’on peut vivre de mille et une
autre façons. Cependant, durant notre année en voyage, il y a des moments debonheur indescriptibles. Des moments qui s’installent avec lenteur, après de
nombreuses journées à errer... après de nombreuses journées à rêver, à
attendre, à espérer. Pendant ces journées, nos yeux s’habituent tranquillement
à se perdre dans l’infini qui nous entoure. Et alors, surgit
l’extraordinaire... qui étonnamment pourrait paraitre banal si on était
catapulté directement dans cet instant. Peut-être pas tout à fait banal... mais
qui n’aurait pas la même saveur. La lenteur amène une tout autre perspective au
voyage. On ne le savait pas vraiment avant, on le sait maintenant.
Petit pas ira loin... et toujours plus haut! Vers l'infini et plus loin encore! |
J’essaie de me rassurer moi-même en me redisant tout ça. Malgré tout, cela ne m’empêche pas d’avoir des questionnements. Nos filles ne sont plus des enfants. Peut-être devraient-elles vivre leurs propres expériences de leur côté?! Pourquoi se donner autant de trouble avec leur scolarité alors qu’on a accès à des écoles ici... et qu’elles y sont bien?
Parce qu’on a envie de vivre tout ça...
Toutefois, actuellement, on est à fond dans le
« pourquoi faire tout ça » : parce que comme je l’ai dit plus tôt,
pour un tel voyage, il y a beaucoup de planification. Je me suis attardée à la
scolarité des filles cet automne, et c’est vraiment un gros casse-tête. Les
grandes lignes sont décidées, j’ai parlé avec les différentes directions
scolaires, je dois maintenant commander les cahiers pédagogiques... et après?! Pour le moment, je ne peux que croiser mes doigts pour que tout se passe bien.
La location de la maison et l’assurance habitation
On a aussi mis notre maison à louer. J’étais préparée
psychologiquement au tourbillon, parce qu’on l’avait vécu il y a 6 ans, mais
malgré tout, j’ai été happée de plein fouet. Un grand nombre de messages à tous
les jours, des discussions avec des gens étranges, des gens qui ne se pointent
pas aux visites...
Et enfin, des gens extraordinaires qui viennent visiter...
et une autre famille tout aussi extraordinaire qui vient par la suite. On
n’avait pas pensé être pris dans un tel dilemme : devoir choisir... Et
comme je suis faite ainsi, j’ai passé mes nuits à retourner ça dans tous les
sens. En même temps, nos assureurs nous ont informés qu’ils ne pouvaient pas
nous assurer si on louait... et il ne pouvait pas plus nous assurer si on
partait 11 mois! Ils avaient accepté il y a 6 ans, mais maintenant, ce n’est
plus possible.
On a donc passé des heures au téléphone avec d’autres assureurs
qui pourraient nous assurer à un prix décent... quelques journées plus tard, on
a trouvé! Hourra! Et maintenant, il fallait que je dise à l’un des 2 couples
que ça fonctionnait et à l’autre que finalement, on irait de l’avant avec
l’autre famille. Moi, dans ce temps-là, j’ai l’impression d’avoir le cœur qui
se déchire au sens propre. Eric me trouve un peu heavey. Mais, je suis faite
ainsi. Le temps arrange les choses. Il faut que je passe au travers du
processus.
La planification de l’itinéraire et les réservations de camping
On est aussi à planifier les grandes lignes de notre itinéraire. Nous qui étions habitués d’être totalement libres en voilier, on réalise que ça va être vraiment plus compliqué sur la terre ferme... surtout avec un autobus! Avec un petit véhicule, il est un peu plus facile de se trouver un coin pour passer la nuit. Avec un autobus, c’est difficile de passer inaperçu. Et avec la pandémie et l’engouement pour la vanlife et les VR, les espaces de boondocking sont de plus en plus restreints... Pour l’Ouest canadien, puisque nous y serons durant l’été, il est préférable de réserver dans les parcs de Parcs Canada. Mais voilà que tout est pratiquement plein, déjà!On dirait que les gens planifient leur vie un an d'avance... on n'a jamais vécu ainsi... c'est confrontant.
Il
faut dire qu’on a besoin d’un espace à VR de plus de 35 pieds, ce qui limite
grandement nos choix. On n’a pas envie de tout réserver à l’avance et d’être
coincés avec un horaire fixe... mais je n’ai vraiment pas envie de dormir
uniquement dans des stationnements de Walmart... ou de ne pas avoir d’endroits
où dormir tout court! Alors, ça aussi, c’est un stress... stress qu’on n’avait
pas en voilier. Bien sûr, on en avait d’autres comme la météo, les vents
changeants, les vagues, les courants, etc.
Et la vie continue!
Et on continue, lorsque c’est possible, à aller à l’autobus pour
avancer des petites choses... ou enfin, pas tellement avancer non plus.
Puisqu’il faisait trop froid et qu’il était vraiment trop désagréable de
travailler dans l’autobus, Eric a décidé de refaire une autre table... Parce
que finalement, on n’aimait pas celle qu’on a faite l’hiver passé. On s’était
dit qu’on en referait une si on avait le temps lorsque tout serait fini...
Euh... On est loin d’avoir tout fini. On dirait qu’on ne va pas par ordre de
priorité. Mais, bon, c’est plutôt le froid qui dicte
ce que l’on peut faire!
On recommence! |
Collage en cours |
Mission accomplie... une étape de faite! |
« Partir ce n’est pas chercher, c’est tout quitter,
proches, voisins, habitudes, désirs, opinions, soi-même. Partir n’a d’autre but
que de se livrer à l’inconnu, à l’imprévu, à l’infinité des possibles, voire
même à l’impossible. Partir consiste à perdre ses repères, la maitrise,
l’illusion de savoir et à creuser en soi une disposition hospitalière qui
permet à l’exceptionnel de surgir. Le véritable voyageur reste sans bagage et
sans but. »
Partir c’est exactement ça... et c’est pour cela que l’appel de Partir peut être si fort. Tout simplement. Alors, pourquoi faire tout ça pour ça? Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire... On espère de tout cœur que le mode de voyage choisi cette fois-ci, soit notre autobus, ne nous décevra pas dans notre quête de découvertes et de spontanéité.
Comme disait Geneviève ce matin, vous êtes inspirants de suivre ce désir si profond en vous et de suivre le chemin de votre inspiration. Peu de gens osent, trop de gens rêvent et deviennent frustrés de ne rien faire. Vous, vous osez! Vous avez aussi la situation familiale idéale, pas de garde partagée rendant impossible ce rêve tant que les enfants seront mineurs et après, bonne chance pour convaincre des jeunes adultes de suivre mais bon( je parle pour moi). J'ai passé à travers ton blog en quelques heures.. ahahaahah J'adore! Merci pour ce merveilleux partage!
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