Rendre grâce, encore et toujours
Le mois d’octobre est un si beau mois. À un point tel que, cette semaine, j’ai eu comme réflexion que j’aimerais bien mourir en octobre. Prendre le temps de regarder les feuilles changer de couleurs et disparaitre alors que les dernières virevoltent jusqu’à atteindre le sol.
Cette
réflexion n’est pas étrangère à mon mois d’octobre 2023.
Ce mois
revêt dorénavant une aura particulière. L’an passé, j’ai eu le privilège de
passer de longues heures à admirer le paysage changer à partir de la chambre de
mes parents. Au rythme de mon père qui ralentissait davantage chaque jour alors
que le cancer envahissait tout son être.
Prendre le
temps, simplement. Être là. Observer la lumière qui fait briller les feuilles
différemment selon le moment de la journée. Voir un tapis de feuilles se créer
jour après jour. Admirer ce paysage à travers le regard de mon père qui réussit
à apprécier chaque arbre, chaque feuille qui l’entoure… même si tout son être
voudrait être en train de s’activer dans ce décor, alors qu’il peut à peine se
lever de son lit…
Malgré la
tristesse de voir la vie quitter tranquillement le corps de mon père, quelle
grâce que de pouvoir accompagner quelqu’un qu’on aime. Quelle grâce de la vie
que de pouvoir prendre le temps d’admirer les arbres se transformer, graduellement,
se parer des plus belles couleurs, offrir le plus beau des spectacles, avant de
lâcher prise totalement, et de laisser tomber cette parure, pour ensuite être
totalement dénudé, paraitre presque mort…
Quel
privilège j’ai eu, d’accompagner mon papa jusqu’à son dernier souffle. D’avoir
pu l’accompagner dans toute cette transformation, qui ne se déroule pas
toujours tout en douceur comme c’est le cas pour les arbres qui nous entourent,
en fait c’est ce qu’ils laissent paraitre… D’avoir pu l’accompagner dans cette
transformation avec les hauts et les bas de la vie… Tenter de voir, comme humain, de quelle façon
on peut lâcher prise… comment on peut accepter cette transformation extrême,
comment on peut basculer dans cet abysse, ce grand vide… qui peut aussi être l'immensité... Qui sait.
À travers
tout ce processus, cette transformation, mais aussi ces déchirements, la notion
de l’aide médicale à mourir a aussi fait partie de nos réflexions durant ce
mois d'octobre.
L’aide
médicale à mourir est certes une bonne option dans certains cas. Cependant, comment
ne pas la précipiter? Peut-on savoir à quel moment surgira l’automne de notre
vie, à quel moment on offrira le plus beau des spectacles, à quel instant
surgiront nos plus belles couleurs? En
fait, peut-être que oui, pour certains? Je ne sais pas. Pour mon papa qui
souhaitait l’aide divine à mourir plutôt que l’aide médicale à mourir, on s’est
questionné à un certain stade… Aurait-il été préférable qu’il demande l’aide
médicale à mourir, avant? Aurait-il été préférable qu’il évite ces derniers
jours de vie? Mais, quelles journées
précisément? Quel regard aurions-nous préféré ne pas voir? Ma mère aurait-elle pu vivre sans cette
dernière fois où il a plongé son regard dans le sien? Qui sait.
Pour vivre
des instants précieux, uniques, est-il préférable de laisser le temps au temps?
Ou bien, est-il préférable de contrôler la nature, et décider à quel moment se
produira la dernière prestation? Est-il préférable de ne courir aucun risque,
de couper l’arbre avant même qu’il ait eu le temps de se transformer? Ne pas
voir le spectacle des couleurs n’est pas la fin du monde, mais si nous n’avions
pas l’automne, on manquerait assurément une transition précieuse…
Bref, je ne
crois pas qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises réponses. En fait, je crois
qu'il n'existe pas de réponse. Mais, en
attendant, je souhaite à tous et toutes d’avoir le temps d'observer la
nature...
En
regardant les feuilles tomber, je rends grâce, simplement. Pour la vie, pour
les saisons. Pour toutes ces transitions qui permettent de voir l’existence
avec tout son relief. Je rends grâce pour la nature qui m’entoure, qui me
rappelle que les transformations font partie de l’univers depuis toujours, et
qu'elles sont nécessaires pour que la vie se poursuive. Et lorsqu’on pense que c’est la fin, c’est
aussi le début de quelque chose d’autre.
Bonne Action de grâce. Bonne transition. Bon spectacle des couleurs.
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